La plupart du temps, sur jonk.space, nous parlons d’IA sous l’angle de l’innovation, des usages créatifs ou des outils qui transforment notre quotidien. Mais aujourd’hui, changeons de perspective. Allons dans les coulisses, là où l’intelligence artificielle prend réellement forme : non pas dans les centres de données des géants de la tech, mais dans les mains de milliers de travailleurs à Madagascar, en Inde ou ailleurs.
C’est ce que révèle le documentaire « Madagascar : les petites mains de l’IA » diffusé sur ARTE.
L’ombre derrière la lumière technologique
Si l’IA est capable de reconnaître un visage, trier une image ou générer un texte fluide, c’est parce que des personnes, à l’autre bout du monde, ont passé des heures à “étiqueter” des données. À Madagascar, près de 100 000 travailleurs effectuent ces micro-tâches : comparer des photos, valider des phrases, signaler du contenu. Ce sont des clics répétés, payés quelques centimes, mais indispensables à l’apprentissage des algorithmes.
Ces conditions, décrites dans le reportage, contrastent avec l’image brillante et futuriste que l’on associe habituellement à l’IA. Un parallèle intéressant avec ce que nous avons analysé dans La catastrophe imminente dont personne ne parle : le rapport IA 2027 : derrière la promesse, il y a toujours des risques, des zones d’ombre, parfois des sacrifices humains.
Des vies derrière les clics
Le film suit des trajectoires individuelles :
- David, père de trois enfants, qui alterne entre le “clic-work” et un emploi de serveur.
- Elina, l’une des rares à travailler dans un bureau avec un contrat.
- Dani, obligé de contourner les règles pour accéder aux plateformes.
Ces portraits redonnent de l’humanité à un domaine souvent perçu comme froid et mécanique. L’IA ne flotte pas dans les airs, elle repose sur des existences bien réelles, souvent précaires.
Cela fait écho à ce que nous écrivions dans L’IA et nous : comprendre, questionner, rester humains : si nous voulons bâtir une technologie qui nous ressemble, il faut avant tout reconnaître les humains qui la nourrissent.
L’alternative : réapproprier la technologie
Le documentaire montre aussi une autre voie : celle d’ingénieurs malgaches qui développent des projets locaux d’IA, comme une application capable de détecter les maladies des plantes. Plutôt que de n’être que “prestataires invisibles” pour des géants étrangers, ils imaginent des solutions utiles à leur communauté.
Un enjeu que nous avons aussi abordé dans Les sols qui rapportent de l’énergie : entre utopie et futur possible : et si l’innovation servait d’abord les besoins locaux, avant d’alimenter les grandes plateformes mondiales ?
Conclusion : remettre l’humain au centre
En regardant les coulisses de l’IA, on réalise que ce n’est pas seulement une question de serveurs, de cloud et de calculs. C’est aussi une histoire d’hommes et de femmes qui travaillent, parfois dans l’ombre, pour que les machines paraissent “intelligentes”.
Reconnaître cette réalité, c’est aussi un moyen de rendre l’IA plus responsable. Parce qu’au fond, l’IA n’est pas magique : c’est un miroir de notre société. Et ce miroir reflète à la fois l’innovation… et les inégalités.